Les expressions françaises sont souvent mal orthographiées ou utilisées de façon inappropriée. Pour les écrire correctement et en comprendre le sens, il peut être utile d’en connaître l’origine. Je vous invite dans cet article à explorer douze d’entre elles.
1. Expression française : Promettre monts et merveilles
La signification de cette expression est bien connue : promettre d’importants avantages, des choses considérables, merveilleuses. L’utilisation du terme merveilles se comprend aisément, mais pourquoi promettre des monts ?
L’expression est née au XVIe siècle. Les monts désignaient alors de grandes quantités de choses et l’expression se traduisait donc par promettre des choses merveilleuses en grande quantité.
2. À la bonne franquette
Cette expression signifie : en toute simplicité, de manière informelle. Elle est souvent utilisée pour indiquer aux convives que le repas sera partagé sans faire de manières. Le mot franquette est tiré du mot franc, du dialecte normano-picard (franchette en français).
Au XVIIe siècle, l’expression « à la franquette » signifiait en toute franchise. À cette époque, cela s’opposait à l’expression « à la française », c’est-à-dire avec raffinement et obligeance. Par la suite, la franchise s’est transformée progressivement pour désigner la simplicité. La forme actuelle de l’expression est apparue au XVIIIe siècle.
3. Aller au diable Vauvert
Pour comprendre cette expression, il me semble nécessaire de relater plusieurs faits historiques. Robert II, dit Robert le Pieux (970-1031), fils de Hugues Capet, résidait dans un château au milieu d’une vallée de verdure appelée Vauvert, c’est-à-dire val vert (al se prononçant alors au), vallis viridis. Ce roi fut excommunié par le pape Grégoire V pour avoir répudié son épouse Rosalia et épousé sa cousine Berthe de Bourgogne.
À sa mort, la résidence est abandonnée, car la demeure d’un roi excommunié devient maudite, étant possiblement habitée par le diable, selon les croyances de l’époque. Les ruines du château de Vauvert finissent par abriter des mendiants et des brigands. Les multiples cachettes offertes par les galeries souterraines et les vignobles à proximité permettent à tous ces hommes de boire en abondance sans se faire voir. Les habitants des alentours évoquent des cris, des hurlements, des vols mystérieux, et en concluent rapidement que des esprits, et surtout le diable, ont pris possession des lieux. Dès lors, personne, pas même la maréchaussée, n’ose s’y approcher.
L’isolement du domaine et la présence supposée du diable donnent naissance au XVe siècle à l’expression aller au diable Vauvert, c’est-à-dire aller très loin. Cette expression française peut également s’employer avec d’autres verbes comme revenir ou habiter. Il est bien difficile d’imaginer ce lieu maudit en parcourant aujourd’hui le jardin du Luxembourg (à Paris), très fréquenté, qui occupe le même emplacement. Il ne reste plus aucune trace du château de Vauvert.
4. Expression française : Faire un pique-nique
Lorsqu’il fait beau, on apprécie de partager un repas froid dehors en toute convivialité. À la plage, à la montagne, dans les bois, dans un jardin public… Les endroits ne manquent pas pour faire un pique-nique. D’où vient cette expression française ?
Le terme de pique-nique apparaît au XVIIe siècle en France. Dans le langage populaire, on disait alors « faire un repas à pique-nique ». Cela ne deviendra faire un pique-nique qu’un siècle plus tard. Le mot « pique » vient du verbe piquer, qui signifiait picorer. Les poules notamment se nourrissent en picorant de-ci de-là. Ce verbe conserve également son sens d’origine dans l’expression actuelle pique-assiette. La « nique » désignait une « petite chose sans valeur ». La juxtaposition de ces deux termes évoque donc le fait de picorer de petites choses, apportées par chacun.
Le mot pique-nique a été ensuite repris par les anglophones sous la forme picnic. La définition reste la même : un repas en commun pris en plein air, où l’on mange un peu de chacun des plats.
5. Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras
Ce proverbe signifie que posséder un petit avantage, même modique, vaut mieux qu’espérer un profit considérable mais illusoire. Ou encore : il vaut mieux posséder une seule chose qu’espérer deux biens incertains. Nous pourrions alors penser qu’il ne faut pas de s à tiens, ce qui donnerait le pronom possessif le tien, c’est-à-dire ce qui est déjà à toi. En réalité, il s’agit du verbe tenir conjugué à l’impératif (tiens !). En d’autres termes, ce que tu tiens déjà vaut mieux que ce que tu pourrais peut-être tenir plus tard.
Ce proverbe est retrouvé dans la morale de la fable Le petit poisson et le pêcheur de Jean de la Fontaine (livre V, fable 3, 1668) : Un tien vaut, ce dit-on, mieux que deux tu l’auras ; L’un est sûr, l’autre ne l’est pas. Cette moralité a certainement donné naissance au proverbe. Il est à noter que tiens s’écrit alors tien : c’est la forme ancienne de l’impératif.
Mieux vaut tenir que courir est une des expressions synonymes. Il vaut mieux tenir quelque chose fermement entre ses mains que courir après autre chose, peut-être inutilement, même si cela peut paraître nettement plus intéressant.
6. Peu ou prou
Cette expression veut dire plus ou moins, et non pas : peu ou pas du tout (contresens). En effet, dans cette expression, peu signifie en faible quantité, mais prou signifie beaucoup. Cet adverbe date du XIIIe siècle et vient de l’ancien français preu (du latin prode), le profit, et, avec une valeur quantitative, l’abondance.
Au XVIIe siècle, avoir prou de quelque chose signifiait en avoir beaucoup. Le mot prou est utilisé aujourd’hui uniquement dans l’expression peu ou prou apparue vers 1600. Attention à ne pas confondre prou et proue, car, avec un e, cela désigne la partie avant d’un navire (du latin prora), donc cela n’a rien à voir.
7. Expression française : Sens dessus dessous
L’expression sens dessus dessous signifie dans un profond désordre. Or, même si des choses sont entassées dans un désordre indescriptible, il y a toujours un dessus et un dessous. Sans dessus ni dessous, c’est le vide. L’orthographe sans dessus dessous est donc incorrecte.
En réalité, cette expression s’est dans un premier temps (XVe siècle) écrite ce en dessus dessous, puis cen dessus dessous, cen résultant de la contraction de ce et en. À l’origine, on voulait donc dire que ce qui devait être dessus se retrouvait dessous. Le terme cen était très proche de sen, équivalent, en ancien français, du mot chemin. C’est ainsi que cen fut confondu avec sen et, lorsque le terme sen disparut à son tour, l’usage le remplaça par le mot sens (direction, côté).
Notons cependant que la prononciation du terme sen a été conservée. C’est cette prononciation qui explique pourquoi certaines personnes se trompent et écrivent sans au lieu de sens. De la même façon, la prononciation du terme sen a été conservée dans l’expression (moins utilisée) sens devant derrière : signifiant tourné de telle sorte que ce qui est censé être devant se retrouve derrière.
Des objets en désordre sont disposés dans tous les sens, ce qui justifie d’autant plus l’emploi de ce terme dans l’expression sens dessus dessous : ce qui était en dessus se retrouve dessous. Au sens figuré, cette expression désigne également une personne dans une grande confusion ou bouleversée.
8. Payer les pots cassés
Cette expression française signifie d’une part être donné pour responsable d’une erreur ou d’une faute, et d’autre part en subir les conséquences, assumer les dommages, payer pour les frais occasionnés le cas échéant.
L’origine de cette expression reste inconnue. Elle est néanmoins employée dans une chanson sur la Révolution française, datant de 1795.
Les pots cassés
Jacobins et royalistes
Buveurs de sang, anarchistes,
De vos infernales listes
Que ces noms soient effacés.
Vous courez à la besace
Lorsque vous faites la chasse ;
C'est toujours le peuple en masse
Qui paiera les pots cassés.
Pour le nom de démocrate,
Pour celui d'aristocrate,
Pour une grosse cravate,
Vous vous battez tant qu'assez.
La paix vous est nécessaire,
Ne vous faites plus la guerre,
Et l'Autriche et l'Angleterre
Paieront tous vos pots cassés.
Plus nous changeons de régimes,
Plus nous faisons de victimes,
Plus nous nous creusons d'abîmes
Où nous serons entassés.
Sitôt que l'on change en France
Gouvernement ou finance,
Le bon peuple a l'assurance
De payer les pots cassés.
9. Rendre la pareille
Rendre la pareille à quelqu’un signifie agir avec cette personne de la même façon qu’elle a elle-même agi avec vous, en mal ou en bien. Donner un traitement similaire, rendre la pareille, c’est-à-dire la chose pareille. Cette expression date du XIVe siècle et était alors utilisée principalement dans des contextes négatifs, avec un sous-entendu de vengeance (comme rendre la monnaie de sa pièce).
Rendre la pareille peut aujourd’hui être synonyme de renvoyer l’ascenseur s’il s’agit d’un service rendu, dans un sens positif donc.
En revanche, rendre l’appareil n’est pas une expression. Cela veut tout simplement dire rendre un appareil que l’on a emprunté, ou raccrocher le téléphone (téléphones fixes anciens que l’on raccrochait au sens strict du terme).
10. Expression française : Découvrir le pot aux roses
Selon la mythologie grecque, Éros, le dieu de l’amour, aurait donné une rose à Harpocrate, le dieu du silence, pour qu’il taise les aventures galantes de sa mère, Aphrodite. Pendant l’Antiquité, la rose symbolisait ainsi le secret, le silence, la confidentialité.
L’expression découvrir le pot aux roses date du XIIIe siècle. Cela signifie aujourd’hui découvrir un secret, une supercherie, les dessous d’une affaire.
Le pot aux roses désignait au Moyen Âge le récipient contenant la préparation à base d’essence ou d’eau de rose qu’utilisaient les femmes pour prendre soin de leur teint et se parfumer. Le verbe découvrir, quant à lui, signifiait alors enlever un couvercle (littéralement, dé-couvrir). Ce verbe ne prend son sens actuel (soit celui de trouver) que vers le XVIe siècle.
Découvrir le pot aux roses a donc dans un premier temps signifié enlever le couvercle d’un pot contenant de l’eau de rose. Il fallait en effet couvrir ce pot pour empêcher que l’eau ne s’évapore. En soulevant le couvercle, le secret de la beauté des femmes était révélé. C’est ainsi que découvrir le pot aux roses est devenu une expression pour dire trouver une chose cachée.
11. Être comme un coq en pâte
L’expression être comme un coq en pâte signifie être choyé, dorloté, mener une existence confortable et douillette.
Elle est apparue au XIXe siècle. Les plus beaux coqs de ferme étaient alors transportés avec beaucoup de précaution et particulièrement bien traités, dans le but de les présenter à des concours agricoles. Certains étaient même recouverts d’une pâte qui rendait leurs plumes plus brillantes, d’où l’expression. Rien à voir donc avec les deux belles pattes du coq !
12. Faire bonne chère
Autrefois, faire bonne chère à quelqu’un signifiait lui faire bon accueil, recevoir dignement l’inconnu qui pouvait frapper à sa porte. Chère désignait alors le visage (de l'ancien français chiere, terme lui-même tiré du latin cara). Faire bonne chère se traduisait donc littéralement par montrer un visage avenant.
Ce n’est qu’au XVe siècle que l’expression prend le sens de faire un bon repas (du point de vue à la fois qualitatif et quantitatif). À cette époque, les Français connaissent la guerre de Cent Ans, et la famine sévit. Un bon repas représente donc le meilleur des accueils possibles, se nourrir étant devenu une obsession.
Les deux significations coexistent cependant jusqu’au XVIIe siècle. Puis seule celle en relation avec un gueuleton est conservée, certainement à cause de la ressemblance avec le mot chair (homonyme), évoquant la viande notamment. Néanmoins, tout ce que l’on mange n’est pas forcément de la chair (pains, fromages, gâteaux, glaces, etc.). L’orthographe chair est donc incorrecte dans cette expression.
Pour corriger l’intégralité des fautes d’un texte, faites appel à une professionnelle de l’écriture.
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